1 avril, 2015

Jean Guillaume – Dire le Sentier



ExpoJeanGuillaume








Du 1 Juillet au 31 août c’est un coup de pinceau que le château de Flamarens se propose de vous faire découvrir. Au delà du festival « les musicales de Flamarens » les propriétaires mettent une nouvelle corde à leur arc en offrant à ses visiteurs de rencontrer l’art moderne dans un écrin façonné depuis plusieurs siècles. Ils signent ainsi un nouveau coup d’audace, voire de folie: amener la peinture en milieu rural et qui plus est contemporaine !

A l’heure où les compagnies financières investissent dans l’art comme elles investissent dans l’or, l’Art pourrait bientôt ne devenir qu’une œuvre capitalistique. Source de spéculation et de richesse, sa seule place d’exposition ne peut être, dans cette vision, qu’une métropole qui s’ornerait ainsi de ces œuvres et les feraient admirer par le plus grand nombre.

En révélant un peintre du terroir jurassien au terroir gersois, les propriétaires entrent en résistance contre cette vision élitiste et utilitariste de l’art. L’art n’est pas un accessoire, il est essentiel à la vie. Tout comme la culture des champs est indispensable à la survie des corps, celle des mots, des notes, des matières et des couleurs est indispensable à la survie de l’âme.

Art et terroir sont indissociablement liés. L’art puise sa source dans le terroir et le terroir se ressource grâce à l’art. L’artiste et l’agriculteur sont seuls faces aux éléments et c’est en en tirant le meilleur parti qu’ils exercent leur art. L’un comme l’autre se doit d’être authentique pour offrir un résultat digne de lui.

Vouée à réunir patrimoine, art et ruralité, le château de Flamarens affirme sa vocation en présentant les œuvres de Jean Guillaume, artiste complet, lui-même très attaché à son terroir.

Né à Besançon le 21 avril 1941, il ne quittera jamais sa région natale. A la ville, il préférera un village du Jura pour vibrer au rythme des printemps et de la métamorphose de la nature jusqu’à sa mort, le 6 octobre 1996.

Curieux et tourné vers l’autre, c’est en tant que Professeur des Collèges qu’il gagnera sa vie. Ce métier lui ouvrira les portes des beaux arts et lui permettra de s’intéresser également à l’architecture, à la sculpture ou à la poésie, dont un recueil sera présenté à l’exposition. C’est néanmoins à travers la peinture qu’il a toujours préféré s’exprimer. Comme tout peintre, il a ses périodes et comme tout sentimental, elles correspondent à ses histoires d’amour. Ainsi pendant son premier mariage il s’exercera à la peinture figurative. Ce n’est qu’à partir de 1981, date de sa rencontre avec sa seconde compagne qu’il épousa en 1989, que Jean Guillaume se tournera définitivement vers un art plus abstrait. L’alliant à une réflexion personnelle très poussée sur les aspects éthiques et idéologiques de la relation de l’homme à l’Art, Jean Guillaume s’inscrit dans le courant de l’art informel à partir de 1985.

Inventé par le critique Michel Tapié à l’occasion d’une exposition, baptisée “Signifiants de l’informel”, il qualifie un mouvement artistique opposé à l’abstraction géométrique. L’art informel est un style présent au niveau international et il est marqué par différentes empreintes : font ainsi partie de l’art informel le tachisme (issu du terme “tache”), le mouvement action painting (de l’anglais “peinture d’action”), l’expressionnisme abstrait et l’art brut. Au sein de ce courant informel, l’accent ne doit pas être mis sur la forme ; il s’agit au contraire de se concentrer sur le caractère spontané et inconscient du processus pictural qui doit permettre au spirituel de s’exprimer immédiatement.
Dans l’art informel, le processus pictural est ainsi plus important que l’œuvre d’art achevée.

L’accent étant mis sur le fond plus que sur la forme, à l’inverse des courants classiques, les peintures de Jean Guillaume « saignent  et répandent sous nos yeux leurs substances ». La matière et les couleurs y sont exaltées. Jean Guillaume s’appliquait à produire ses propres couleurs à partir de pigments qu’il allait chercher jusqu’en Bourgogne. Ses gestes impulsifs laissent ainsi la place au foisonnement de la pâte, à la densité de la matière. La couche devient relief, la couleur, le sujet même de la peinture.

Guidé par l’émotion créatrice, au sens bergsonien, Jean Guillaume illumine ses toiles de la richesse de ses mouvements. Dans son art, l’œuvre n’est plus que la retombée matérielle de l’acte créateur. Privilégiant ainsi l’acte de création à l’œuvre elle-même, Jean Guillaume voyait-il ces toiles qu’il brulait comme le déchet de l’acte créateur ?

Comme le faisait remarquer le critique Jacques Cauvin lors d’une exposition en Suisse en 1992, « L’art de Jean Guillaume n’est pas d’une approche intellectuelle facile ». Cependant est-il nécessaire d’accompagner une œuvre d’art de discours plus ou moins redondants et plus ou moins ésotériques pour amener celui qui la regarde à sa compréhension ?

ART-TERRE 32 ne le croit pas et propose aux gersois, aux voyageurs, aux amoureux du terroir et des arts de laisser libre court à leur intuition pour ressentir toute la force et la réalité de l’œuvre de Jean Guillaume.

[1] Maurice Merleau Ponty, La Prose du monde

6 réflexions au sujet de « Jean Guillaume – Dire le Sentier »

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *